Monde moderne, c’est la fin




Né dans un alambic,
au fond de l’atelier
Du nécromancien de Maulbronn,
Dans le silence des corbeaux d’un bled perdu
Du côté d’Ingolstadt ou Wittenberg.


Né dans une épicerie, 
né dans les agiotages,
Né dans le retour aux Grecs, né dans l’avidité,
N
é dans l’absurdité, quelque part dans la distance
Soudain plus grande, entre cœur et cerveau.


Là depuis le début,
au commencement, rongeant ton frein,
Guettant ton heure, comme une possibilité, une atroce hypothèse.
J’ai connu un fœtus de poulpe qui te ressemblait : gorgé de formol,
Un fœtus en colère, aux gros yeux révulsés, aux ventouses à névroses,
Sangsue de l’Eternel.


Né vieux,
ô mon vieux, monde moderne.
Né malade, mal foutu, mal en point
E
t déjà riche, ô mon pauvre, pauvre
Monde moderne.


Milliardaire incurable dans ton fauteuil roulant
Qu’une auxiliaire de vie pousse sur la terrasse
D’un grand hôtel de luxe au bord du Lac Majeur.
Le soleil à grand peine chauffe tes os glacés.
Et quand vient le soir, on remonte ton plaid
Sur ton très peu de chair, très peu d’esprit.


Laisse-toi partir,
laisse-toi finir,
Pique un bon roupillon,
Ô monde moderne.
Et meurs, meurs, une fois pour toutes,
En rêvant à l’enfance que tu n’as jamais eue.