Canicule, par Rubén d’Arvern

 

 

Il fait si chaud que les moustiques éclatent, fruits mûrs

et juteux de mon sang. Assoiffée de claques la joue,

mais la main gît, moulage indifférent,

sur le socle de la recognition.

Rien n’est résolu à cette heure. Ni l’énigme infinie

qui tombe à pic, depuis l’œil pinéal qui perce sans ciller

dans les squames du bleu,

ni le volapük tragique qui voudrait l’habiter

et qui, ne le pouvant, glisse comme l’escroc

dans les ténèbres, gave son sac à tâtons,

découvre au soleil qu’il n’a pris que la nuit.

 

Alors, cérébrale noctuelle, inhabile mais brave,

l’oreille papillonne en quête d’une chance,

ou d’un mot qui serait le dernier. D’un mot qui aurait l’autorité,

contre la tyrannie des mythes, des magies primitives,

soupes de chiots broyés, liqueurs des cris pénombraux, 

non d’absoudre, mais de congédier les totems,

les palinodies et les crépis infects, mignards,

des faux dieux s’en revenant avec leur chair d’écluse

dans le caporalisme de la raison pratique,

ce je ne sais quoi de bassement néo-césarien

que les concierges-nés connaissent,

et qui dilate en eux, par climat propice,

toute la flore horlogère de l’ennui carnassier.

 

Et j’ai de la tendresse ou presque pour ces vieux corps funestes,

une tendresse virile pour ces corps personnels, éventrés, recousus,

tant recousus qu’éventrés – cérémonieux – des dieux anciens

qui, du lointain des âges, remontent comme des noyés

à la surface aveugle de l’algorithme.

Et je préfère leurs prêtres d’hier, mage et sorcier,

– même l’Aztèque aux dents limées, croqueur de carotide –

aux mystagogues d’un temps abstrait

de nombres et de dissociation.

 

Plus dignes de notre sympathie ceux-là,

car ils faisaient ce qu’ils faisaient,

se trompaient à raison, se tenaient minces,

sobres, affûtés, effrayés, ignorants,

éprouvant la tristesse de l’abîme.

Plus honorables leurs bûchers et leurs autels puants

que les dommages collatéraux des autres,

que leurs calculs immaculés et frigides,

que leur lâchetés glabres,

que leurs holocaustes sans risque,

que leur destruction sans douleur,

que leurs principes de précaution mortels,

que l’inodore hypnose de leurs yeux grands ouverts

sur les lois du néant chiffré.

 

Égliseneuve d’Entraigues, août 2015